Cinq comédiens ont incarné l’ennemi juré de Batman sur grand écran. Chacun y a été de sa préparation toute personnelle plus ou moins poussée et saine pour leur esprit. Le résultat est à chaque fois une interprétation étonnante et marquante tout autant pour l’acteur que pour le spectateur. Il est dit que le Joker a toujours été le reflet de son époque et fait se questionner la société sur elle-même. Si c’est vrai, au vu de l’évolution du Clown Prince du crime au cinéma, le monde est de plus en plus effrayant et dangereux. Joker sort en salles ce 9 octobre.

Cesar Romero

© 20th Century Fox

Son terrain de jeu : Batman (1966) de Leslie H. Martinson

Son âge au moment du film : 59 ans

Sa préparation : Il est le premier à incarner le Joker au cinéma. C’est peut-être celui qui s’est le moins investi dans le personnage : il a refusé de raser sa moustache. Le maquillage blanc a donc été appliqué par-dessus pour tenter de la dissimuler. Sa préparation n’a au final consisté qu’à une chose : faire le clown et s’amuser. Il a ainsi pris son personnage au pied de la lettre, ce qui lui a permis de faire ce qu’on lui a toujours interdit en tant acteur, à savoir en faire des tonnes et se lâcher. Son interprétation est flamboyante et d’une jubilation insouciante qui contraste grandement face à un Batman plus inexpressif qu’une endive.

Son Joker : Bouffon et burlesque. Enjoué et théâtral. Extraverti et inoffensif. Il est diabolique à la façon des méchants qui triturent les pointes de leur moustache ou se frottent les mains l’air mielleux quand ils s’apprêtent à faire un mauvais coup. Sa violence est cartoonesque et la psychologie du personnage n’est jamais abordée. Mais c’est ce qui va avec la teneur de ce Batman à destination de toute la famille et où tout est donc bon enfant.

Sa réplique culte : « Une plaisanterie au quotidien garde la morosité au loin. »

Jack Nicholson

© Warner Bros

Son terrain de jeu : Batman (1989) de Tim Burton

Son âge au moment du film : 52 ans

Sa préparation : Il s’est tout simplement lâché. Pour lui, le Joker a pété un plomb après son bain chimique et l’acteur a voulu s’amuser avec ça. Cela lui a donné une immense liberté créative. Les personnages ont habituellement des traits de caractère qu’un comédien doit respecter. Le seul trait de caractère du Joker est d’être imprévisible, c’est-à-dire que Jack Nicholson pouvait faire tout ce qu’il voulait et malgré tout rester fidèle au personnage. Il a donc déliré dès qu’il en a eu l’occasion. Dans son contrat, il avait son mot à dire sur le choix du maquilleur et le design de ses costumes. Il a ainsi approuvé l’engagement du spécialiste du maquillage FX Nick Dudman et validé la version finale de la prothèse qui lui sert de sourire. Et il a particulièrement apprécié de voir que ses complets-vestons venaient d’un tailleur de Savile Row.

Son Joker : Gangster pur jus, Jack Napier a toujours voulu le pouvoir et l’argent. Il a été défiguré et a un grain depuis qu’il est tombé dans une cuve de produits chimiques. Cet accident a décuplé sa soif pour le meurtre. C’est le moins fou de tous : il est juste mauvais et cruel et il en est fier. Rien n’est sacré pour lui. Son sens de l’humour est tout autant de mauvais goût que sadique. Il est élégant, excentrique, narcissique et cherche à attirer l’attention. Il a tué les parents de Bruce Wayne.

Sa réplique culte : « J’ai la tête de quelqu’un qui plaisante? »

Heath Ledger

© Warner Bros

Son terrain de jeu : The Dark Knight – Le Chevalier noir (2008) de Christopher Nolan

Son âge au moment du film : 29 ans

Sa préparation : Il s’est inspiré de Malcolm McDowell dans Orange mécanique, des punks Johnny Rotten et Sid Vicious, des peintures de Francis Bacon, de titres de heavy metal, de la façon de parler et de bouger des marionnettes de ventriloques. Il s’est penché sur les notions de chaos et d’anarchie. Il a travaillé sa voix moqueuse et son rire sardonique. Il a passé un bon mois enfermé seul dans sa chambre d’hôtel londonien à ruminer des idées noires, à lire tous les comics qui étaient pertinents avec le scénario – notamment Batman : The Killing Joke écrit par Alan Moore et dessiné par Brian Bolland – et à couvrir son « Journal du Joker » de réflexions et de dessins. Il a développé le look du Joker avec la chef costumière Lindy Hemming, le chef maquilleur John Caglione et le réalisateur Christopher Nolan. Il a profité des tests de maquillage pour chercher son personnage, commençant ainsi à l’habiter et à ressentir ce que cela pouvait donner. C’est aussi là qu’il a choisi le couteau du Joker, parmi plusieurs modèles en caoutchouc.

Son Joker : Anarchiste et terroriste. Sociopathe et psychopathe. Schizophrène et violent. Incontrôlable et dénué de toute empathie. Il tue pour son plaisir et ne vit que pour le chaos. Méticuleux dans ses crimes, il ne l’est pas avec son maquillage qui bave toujours. Il a une cicatrice qui part de la commissure des lèvres pour arriver presqu’aux oreilles et pour laquelle il a une histoire différente à chaque fois qu’il évoque son origine.

Sa réplique culte : « Je crois que tout ce qui ne nous tue pas nous rend simplement plus bizarres. »

Jared Leto

© Warner Bros

Son terrain de jeu : Suicide Squad (2016) de David Ayer

Son âge au moment du film : 45 ans

Sa préparation : Il a passé de longs moments dans des asiles à parler avec des psychiatres et leurs patients criminels. Pour son look, il s’est inspiré de photos des comptes Instagram de barons de la drogue mexicains. Il éclatait de rire en pleine rue pour voir l’effet sur les gens autour de lui. Il s’est rasé les sourcils. Il n’a pas quitté son personnage de tout le tournage, restant isolé des autres comédiens et ne répondant qu’au nom de « Mr J. ». Il écoutait de la musique folk des années 20 et de vieux sermons de prédicateurs. Il a dormi dans une des cellules de la prison où le film était tourné. Et parce que le Joker adore jouer et manipuler les gens, Jared Leto a terrifié psychologiquement les acteurs et les techniciens en leur faisant livrer par des hommes de main des cadeaux au goût plus que douteux : cadavre de cochon, rat vivant, boîte de balles, préservatifs usagés, magazines Playboy recouverts d’une substance visqueuse… Et d’autres plus mignons comme des poèmes et des cupcakes.

Son Joker : Un pur timbré. Arrogant et facétieux. Schizophrène et incontrôlable. Psychotique et aimant faire du mal aux gens. Amoureux fou d’Harley Quinn. Son corps raconte son histoire, des tatouages aux bagues argentées sur les dents.

Sa réplique culte : « J’vais pas te tuer… J’vais juste te faire mal… Super… super… mal. »

Joaquin Phoenix

© Warner Bros

Son terrain de jeu : Joker (2019) de Todd Philips

Son âge au moment du film : 44 ans

Sa préparation : Il a étudié les mouvements de Buster Keaton et de l’acteur et danseur Ray Bolger (l’épouvantail du Magicien d’Oz) et s’est entraîné avec un chorégraphe. Il a lu des livres sur des assassins politiques et a fait des recherches sur le narcissisme et la criminologie. Il s’est renseigné sur les effets secondaires des médicaments que prend son personnage dont l’un d’eux est la perte excessive de poids. Il a donc fondu de 26 kg. Son Joker étant atteint du rire prodromique, il a regardé des vidéos de gens pris de crises de rire incontrôlables. Il s’est essayé à différents rires, tous plus dérangeants les uns que les autres, pendant sa préparation mais il ne l’a réellement trouvé qu’au début du tournage.

Son Joker : Un torturé. Arthur Fleck est un clown triste sans succès et aspirant à une carrière de comique de stand-up. Sa souffrance physique et psychologique est palpable. Traumatisé pendant son enfance, il en a toujours des séquelles. Sa tête ne contient que des idées noires. Déjà homme brisé, une suite de rencontres et d’événements violents le conduiront à une descente aux enfers et une révolte destructrice.

Sa réplique culte : « Je pensais que ma vie était une tragédie. Je réalise maintenant que c’est une comédie. »