Après plusieurs tentatives d’adaptations cinématographiques d’Une princesse de Mars, John Carter, l’un des archétypes même du héros d’aventure romanesque, aura attendu 100 ans pour que les bonnes personnes avec les bonnes technologies lui rendent justice sur grand écran.

Andrew Stanton, le réalisateur oscarisé pour Le monde de Nemo et Wall-E, aime à dire du roman Une princesse de Mars qu’il est la pierre de Rosette de la science-fiction. L’œuvre d’Edgar Rice Burroughs a en effet inspiré nombre d’auteurs et de réalisateurs ces cent dernières années, George Lucas et James Cameron en tête. Mais personne ne s’est encore sérieusement attaqué à son adaptation pour le cinéma. Jusqu’à Andrew Stanton.

Taylor Kitsch et Andrew Stanton

Il découvre John Carter à 12 ans, via son adaptation en comic par Marvel. Mais ce n’est qu’en réalisant Wall-E, en 2006, qu’il pense à son adaptation. « Jusqu’à présent, je n’ai écrit que des histoires originales et cette première adaptation est une vraie bouffée d’air. Je passe tant de temps à me demander qui sont les personnages, quels sont leurs noms, d’où ils viennent… Cela peut prendre un an pour déterminer tout ces éléments avant même de m’attaquer à l’intrigue. Là, j’ai pris le livre comme s’il s’agissait du premier jet d’un scénario et je l’ai réécrit. » Avec l’aide de Mark Andrews (Ratatouille, Les Indestructibles) et de Michael Chabon (prix Pulitzer pour Les extraordinaires aventures de Kavalier & Clay).

Tous trois relèvent alors le défi d’adapter un roman de 1912 qu’Andrew Stanton estime « aussi simple qu’une bande dessinée. Les personnages possèdent peu de profondeur et l’intrigue est parfois très épisodique au point qu’il n’y a pas de vraie structure narrative. On a donc changé tout ce qu’il fallait pour que l’histoire fonctionne. » Ils résolvent notamment le mystère, jamais expliqué dans les romans, du passage de John Carter de la Terre à Barsoom (le nom donné à Mars par ses habitants) et, parce qu’il manque une vraie Némésis à John Carter, ils font arriver plus tôt le méchant Matai Shang qui n’apparaît pourtant que dans le deuxième roman. Mais ils étoffent surtout les personnages principaux, John Carter et Dejah Thoris, « de véritables archétypes, explique Andrew Stanton. Ils sont unidimensionnels : Carter est quelqu’un de classiquement bon et Dejah est la demoiselle en détresse par excellence. On leur a donc donné de la profondeur, mais Carter devait conserver son sens de la justice et Dejah la force de Mars qui est son essence. »

Lynn Collins et Taylor Kitsch

Pour interpréter les deux héros, Andrew Stanton cherche des acteurs qui ont déjà fait leurs preuves mais qui sont encore peu connus. Il choisit Taylor Kitsch (Friday Night Lights) et Lynn Collins (X-Men Origins : Wolverine, True Blood) après une audition où il découvre leur alchimie à jouer ensemble. En revanche, pour les rôles secondaires, il opte pour des acteurs confirmés même s’il sait que certains disparaîtront derrière un personnage animé. Il a en effet toujours vu son adaptation de John Carter comme un film hybride, mélangeant les prises de vues d’images réelles pour les personnages d’apparence humaine et l’animation pour les personnages d’apparence extra-terrestre.

Willem Dafoe sur ses échasses

Comme les Tharks, ces créatures martiennes de près de 3 m de haut, à la peau verte et dotées de quatre bras et de défenses. Andrew Stanton veut des comédiens « qui possèdent un vrai regard, une vraie voix et un vrai jeu d’acteur. Ce sont trois éléments qui imprègnent un personnage animé et qui restent même après avoir effacé tout le reste du comédien. » Mais pour que l’interaction entre les acteurs réels et les personnages animés soient plus crédible, il demande à ce que tous les acteurs jouent réellement face à face sur le plateau. Willem Dafoe et Samantha Norton, deux Tharks, passent ainsi tout le tournage sur des échasses, vêtus d’une combinaison grise à pois noirs et portant des caméras faciales afin d’enregistrer tous les mouvements et expressions de leur corps et de leur visage.

Le tournage se déroule pendant les sept premiers mois de 2010, notamment dans les paysages désertiques de l’Utah, aux Etats-Unis. Andrew Stanton veut des décors et paysages naturels afin « d’apporter une touche supplémentaire d’authenticité au film et que le spectateur ait le sentiment d’être plongé dans la réalité ». Mais une réalité propre au Mars d’Edgar Rice Burroughs et non au Mars que l’on connaît aujourd’hui. « Je préfère le côté romancé de ce qui pourrait être sur Barsoom à ce qui est réellement sur Mars, confie le réalisateur. J’ai aussi donné un côté historique au film pour en faire un film d’époque mais sur une époque dont on ne sait rien. J’ai filmé de vraies montagnes rocheuses pour mieux les altérer en postproduction et les transformer en bâtiments en ruines. Barsoom est un monde qui a vécu pendant des milliers d’années mais qui aujourd’hui est proche de sa fin. » Et John Carter vient le sauver, en bon héros prêt au sacrifice. Andrew Stanton a d’ailleurs travaillé sur son film avec une prémisse précise à l’esprit : « Nous survivons pour accomplir notre dessein pour les autres. »

Article paru dans Studio Ciné Live – N°35 – Mars 2012

Crédit photos : © Disney